Chapitre de la royale confrérie du MAITRANK

Comme j’apprécie tout particulièrement le printemps, avec ses fleurs et sa nature qui renaît, sachant que la vedette de ce jour (NDLR Le maitrank) se confectionne en mai, j’ai choisi de partir des trois lettres qui composent le nom de ce mois.

Débutons donc par le « M ». Il permet de composer des mots tels que « même », « mieux », « meilleur » et « maitrank » bien sûr. Je ne vais pas m’attacher ici à l’orthographe mais davantage à la phonétique de la lettre qui donne accès à un verbe tellement précieux, voire même tout à fait vital ; celui d’aimer. C’est un peu facile me direz-vous, je préfère considérer que cela commence bien. En effet, que peut-on aimer ? Un doux breuvage, par exemple ? De bonnes rencontres, un compagnonnage fraternel ou encore la bonne humeur ? Aimer s’utilise aussi quand il s’agit d’apprécier les bonnes choses de la vie à condition qu’elles soient partagées. Mais là où le verbe aimer excelle, c’est sans nul doute dans les relations humaines. Aimer les gens tels qu’ils sont, accueillir leur différence avec respect, valoriser les originalités, les dons spécifiques, les traditions, le savoir-faire. Aimer, c’est aussi accepter l’avis contraire. L’écouter s’exprimer avec bienveillance est nécessaire à toute fraternité vraie. En ce jour, n’avons-nous pas réunis des confréries, c’est-à-dire ces associations où l’on cultive l’art de la rencontre, de l’hospitalité, du partage, bref, où l’on se découvre frères et sœurs. Et voilà que le premier texte biblique de ce jour nous disait : « Soyez-unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres. »

Voici le « A » … « A » comme Arlon évidemment, capitale internationale du maitrank, ville romaine sans doute la plus vieille de Belgique n’en déplaise à Tongres et à Tournai, chef-lieu de la province du Luxembourg et capitale de l’ Arelerland. Bref, la ville lumière ! Le « A » permet l’audace… d’entreprendre, de créer, d’innover. Le « A » c’est aussi l’avenir. Voilà bien une réalité qui n’a pas bonne presse en ces temps essentiellement rythmés par le présent ou plus précisément l’instant qui, par la magie d’un clic, nous confine à l’immédiat. Pour les européens et, davantage encore pour les belges, l’avenir sera fait d’élections. Cette année, avouons-le, elles nous donnent le bourdon ou plutôt, avec elles, sonnent le tocsin devant le péril des idéologies extrêmes avec leurs simplismes et sans doute leurs dictats. Au niveau local, les élections communales mettent nos routes sans dessus-dessous, comme tous les six ans d’ailleurs. A se demander ce que font les entreprises de travaux publics en dehors des périodes électorales. Revenons à notre avenir ; il lui faut s’enraciner dans le passé et y puiser le nécessaire. Il ne s’agit pas d’en tirer des antiquités poussiéreuses mais les leçons de l’histoire et les valeurs précieuses nées de l’expérience. Malheureusement, le passé, lui non plus n’a pas bonne presse. Ce qui est vieux est décrété démodé ; il faut donc s’en séparer et, au plus vite. Attention, vous les ainés, il est temps de s’accrocher. Avez-vous entendu ce responsable de mutuelle affirmant haut et fort préférer euthanasier plutôt qu’indemniser ? Décidément, l’humanité est bien malade au point de mépriser la vie humaine et la sagesse, voire même de les sacrifier sur l’autel des intérêts économiques. A l’heure où les autorités peinent à contrôler le commerce des stupéfiants, il y a une addiction tout aussi redoutable et dont sont atteints certains de nos contemporains : l’argent ! Pour cette pathologie, point de thérapie possible, soyez donc rassurés, il ne faudra pas indemniser. Par contre, si prendre soin des ainés coûte trop cher, quand il s’agit de sauver un vieil arbre en péril, on ne lésine pas. Ainsi, au nom de la préservation de la nature, on va construire, autour du tronc de ce pauvre centenaire, une précieuse structure pour la confection de laquelle il va falloir utiliser des métaux, souder, consommer de l’énergie… tout cela au nom d’une saine écologie. Heureusement, des jeunes se soucient de l’avenir. Ils veulent le bâtir ensemble même si c’est au prix de quelques sacrifices. Issus des cinq écoles secondaires de notre ville, ils l’ont affirmé récemment lors d’une table ronde interconvictionnelle sur le thème : « Nous sommes tous responsables de bâtir l’avenir ». J’entends alors cette parabole de Jésus évoquant l’homme sensé qui bâtissait sa maison sur le roc.

Enfin le « I ». Je l’aime bien celui-là car il ne semble pas avoir le nez dans le guidon. Au contraire, il pointe vers le ciel tel le belvédère de St-Donat ou la tour clocher de St-Martin. Dans l’époque contemporaine qualifiée de moderne, civilisée, développée, nous rencontrons sur le trottoir des gens qui se heurtent à des réverbères, qui traversent la route au risque de créer des accidents, qui cognent ceux qu’ils croisent. Ils sont pourtant sain d’esprit mais totalement hypnotisés par leurs mains munies de ce précieux portable. Ils sont connectés paraît-il ! A cette connexion, rien n’échappe : ni la main, ni l’oreille, ni la montre et qui sait, demain, la puce dans le cerveau … Ils ne peuvent répondre à votre salutation, ils ne l’entendent pas ; à votre signe amical, ils ne le voient pas. Connectés H24, ils sont obnubilés par leur écran car, disent-ils, leurs rêves apparaissent sur les réseaux. Dans ce contexte, je remercie nos clochers qui, tel le « I », pointent vers le haut, dégageant les poumons, favorisant la respiration, rendant la vue et l’ouïe, permettant de se reconnecter à l’essentiel : ceux et celles que je croise, l’autre qui est mon prochain et même le Tout-Autre. Sans doute faut-il regarder le « I » pour se donner à nouveau un avenir où il sera possible de dire « je t’aime. »

CHAPITRE DE LA ROYALE confrérie du MAITRANK

Eucharistie en l’église du Sacré-Cœur

Arlon, le 12 mai 2024 Homélie

Abbé Pascal Roger, doyen d’Arlon