Bâtir un avenir avec les jeunes

Témoignage de Benoît HUBERT
Neuvaine à Notre-Dame de Lourdes
07 février 2023.

Si je me couvrais de ma casquette d’enseignant je commencerais par demander à mes élèves de rechercher l’étymologie du mot « bâtir ». Il me dirait que ce terme vient de l’ancien bas francique «bastian » qui signifie « assembler ».
A l’heure de Wikipédia, de l’accès au savoir en quelques clics, la mission des enseignants à profondément changée. Adieu, maître sachant et élèves ignorants ; Il semblerait que tout le savoir de l’humanité soit accessible depuis un simple téléphone connecté. Pourtant, elle était bien confortable cette relation asymétrique qui attribuait un prestige certain au maître, lui conférant la crédibilité et la légitimité nécessaire à toute autorité. Bâtir signifiait alors probablement « assembler » des connaissances dans le chef des petites têtes blondes. Ce n’est plus vrai, du moins cela ne l’est plus totalement. Nous pourrions le regretter et entonner la célèbre rengaine du « c’était mieux avant », mais ne nous trompons pas, il y a toujours matière à bâtir.
La crise du Covid a été durement ressentie par tous en ce compris par les adolescents. Ceux-ci ont massivement souffert de ne pas pouvoir s’assembler, de ne pas pouvoir se rassembler et faire société avec leurs paires. C’est peut-être ce sens-là qu’a pris le terme « bâtir » : apprendre à faire société avec les autres.
« L’avenir de l’humanité est la première obligation du comportement humain collectif ». Cette belle phrase n’est pas de moi mais du philosophe allemand Hans Jonas décédé il y a trente ans. L’avenir est donc, nécessairement, à bâtir et c’est la collectivité assemblée qui en a l’obligation. En cela l’enseignant a une responsabilité conséquente. Mais quel avenir souhaitent les jeunes ?
Aujourd’hui, la dimension éducative s’incarne plus que jamais dans l’accompagnement du jeune et la construction de son identité. Lorsque j’ai demandé à certains de mes élèves ce qu’ils attendaient d’un enseignant, trois idées principales sont ressorties : que celui-ci nous aide à avoir confiance en nous, qu’il nous ouvre les yeux sur la réalité du monde et qu’il nous remette en question. Bien sûr, le professeur de mathématique expliquera le monde à travers les mathématiques tout comme le physicien utilisera la physique.
Mais qu’en est-il du professeur de religion ?
Je ne vous apprend rien en vous disant qu’en tant que chrétien, nous faisons l’expérience d’un Dieu qui nous donne confiance, qui nous permet d’appréhender la réalité du monde et très certainement l’expérience d’un Dieu qui nous remette toujours en question. Si ce n’était pas le cas, ce serait trop facile.
Dieu pourrait-il donc amener une réponse aux élèves de notre temps ? Le professeur de religion pourrait-il se faire prophète ? Je retiendrais trois axes principaux qui illustre ce que je tente de faire au quotidien :

  1. amener l’élève à faire société,
  2. l’amener à développer son identité,
  3. tenter de lui donner de l’espérance.

Si j’étais psychologue j’utiliserais les ressources de la psychologie, mais je suis professeur de religion et en cela je suis loin d’être dépourvu d’outils pertinents.
Si je me basais uniquement sur les Évangiles j’aurais déjà une matière largement suffisante, il n’est pas nécessaire d’être théologien pour saisir que le message du Christ est un message qui appel à faire société. Une société inclusive, où le malade, le lépreux, la femme adultère ont toute leur place, n’en déplaise à certains de ses contemporains. Une société dans laquelle on grandit en se faisant petit, une société dans laquelle on se met au service de l’autre, où on donne sa vie pour l’autre. Ne sommes-nous pas ici face à un modèle de société souhaitable ? Le proposer aux élèves a en tout cas tout son sens.
Développer l’identité de l’élève pourrait paraître plus complexe. Mais si l’on gratte un peu, les Évangiles ne sont pas muets à ce sujet. Nous sommes fils de Dieu, nous sommes aimés de Dieu et nous pouvons grandir en mettant nos pas dans ceux du Christ. Et puis, les paraboles ne nous renseignent-elles pas clairement sur un juste comportement à adopter ? N’oublions pas que le fils prodigue est probablement un adolescent pressé de découvrir le monde, au risque de se perdre. Mais cela sous le regard d’un Dieu bienveillant qui pardonne.
Enfin l’espérance. Comment donner l’espérance à de jeunes adolescents lorsque ce qu’ils voient dans l’actualité, c’est la guerre, la crise climatique, la crise climatique et j’en passe. La Bonne Nouvelle, celle d’un Dieu qui nous aime n’est-elle pas synonyme d’espérance ? Certainement. La mort du Christ sur la croix pour racheter les péchés du monde n’est-elle pas synonyme d’espérance ? Certainement.
Confronter l’élève aux Évangiles, c’est lui permettre de bâtir son futur, sa maison, sur le roc. Bâtir. Dans notre culture, dans nos traditions, l’image du bâtisseur est intimement liée aux cathédrales. Mais ceux qui en ont posé les premières pierres n’ont jamais pu voir l’édifice terminé. J’ai évoqué l’espérance et son importance pour les étudiants. Il me reste à évoquer l’impératif d’espérance pour les enseignants. Nous devons croire que nos élèves deviendront cathédrales.
Le professeur de religion, lui, ne doit pas perdre de vue que celui qu’il a, en classe, en face de lui, est celui en qui il croit.