Témoignage de Pol LEONARD -neuvaine 2023

Peu après mon arrivée à Bastogne en octobre 2015, j’ai été approché
pour accepter de rejoindre la communauté de L’ARBRE du mouvement FOI & LUMIÈRE et d’en être l’accompagnateur spirituel.
Une communauté de Foi & Lumière rassemble les personnes porteuses d’un
handicap mental, leurs familles et leurs amis.
Entourée par une équipe d’accompagnement, ses membres se réunissent
une fois par mois pour une rencontre d’amitié et de partage, de fête,
de célébration et de prière.

Connaissez-vous ce mouvement… et quelles en sont ses origines ?
Nous sommes à LOURDES en 1968 ;
GERARD et CAMILLE, les parents de LOÏC et de THADEE,
sont venus présenter leurs deux fils à MARIE.
C’était leur plus grand désir, car ils comptaient sur le réconfort qu’elle allait leur donner ;
LOÏC et THADEE sont en effet très lourdement handicapés.

Mais ils vont repartir le cœur très LOURD.

• Il sont venus seuls car leur paroisse n’a pas voulu les inscrire au pèlerinage
  diocésain.
• A Lourdes, ils ont du mal à trouver un hôtel ;
  et, au sein des sanctuaires, les « bons pèlerins » leurs disaient que leur place
  n’était pas là : « avec des enfants comme ça, on reste chez soi ! »

A leur retour; ils ont eu la grâce de rencontrer des amis de personnes ayant
un handicap :

• Marie-Hélène, qui a fondé l’Office Chrétien des Personnes Handicapées
• et Jean Vanier qui a fondé L’ARCHE, des foyers d’accueil et de vie partagée.
  Après avoir écouté GERARD et CAMILLE, ils décident d’organiser un pèlerinage
  où les familles comme la leur, auraient leur vraie place, LA PREMIERE !
  Le 8 décembre 1968, à Montmartre, le projet est lancé avec une équipe internationale.

Le message se transmet rapidement :
« Génial; nous allons enfin pouvoir aller à Lourdes ! »
Pendant ce temps, l’équipe d’organisation doit faire face à beaucoup de réticences :
« A quoi bon ? ils ne vont rien comprendre …
Les parents vont être déçus à leur retour de ne pas voir leur enfants guéris…
Comment gérer la sécurité sur place ?
Mais l’équipe tient bon et Marie-Hélène à la bonne réponse :
« Nous ne demanderons que la GUERISON DES COEURS ! »

Pour ne pas être perdus dans une grande foule, les pèlerins ont commencé
à tisser des liens d’amitié par petits groupes de 30 personnes environ avec
des familles, des amis et un aumônier.
La joie des personnes ayant un handicap est très forte,
elles sentent qu’un grand évènement se prépare, et qu’elle en seront le COEUR.
Le Jeudi Saint 1971, ils sont 12.000 à arriver de 15 pays, et une foule joyeuse
se répand dans la ville de Lourdes, chantant dès le Vendredi Saint le chant
prévu pour le lendemain soir : « Amis chantons notre joie, Alléluia ! »

Le Lundi de Pâques, se tient une première réunion bilan avant le départ.
Tous les responsables régionaux disent :
« Impossible d’en rester là, nous voulons poursuivre l’aventure,
nous ne voulons pas revenir à notre isolement et notre solitude. »
Marie-Hélène et Jean répondent :
« Continuez à vous retrouver dans votre communauté,
et nous verrons bien où l’Esprit Saint veut nous mener. »
Ainsi est né FOI & LUMIERE, c’était le 12 avril 1971.

Lorsqu’on est plus seul, la vie est transformée !

• A la personne handicapée, Foi & Lumière révèle qu’elle est appelée à donner
  toutes les richesses de son cœur, sa tendresse et sa fidélité.
• Aux parents, Foi & Lumière apporte un soutien dans leurs difficultés,
  les aide à mieux percevoir la beauté intérieur de leur enfant et sa
  vocation unique.
• Aux frères et sœurs, Foi & Lumière permet de découvrir que si la personne
  handicapée a bousculé leur vie, elle peut aussi la transformer.
• Aux amis, Foi & Lumière ouvre un chemin d’amitié avec la personne handicapée
  et d’engagement avec elle, chacun découvrant en l’autre la présence de
  Jésus vivant.
  Dans son discours lors de l’audience accordée le 2 octobre 2021 aux responsables
  de Foi & Lumière pour les 50 ans du mouvement, le pape souligne :
  « Au sien des communautés chrétiennes, je vous invite à avoir le style
  évangélique du levain : ne pas s’isoler, ni s’enfermer, mais participer à la vie
  de l’Eglise dans les paroisses et dans les quartiers, apporter votre expérience et
  témoigner du choix de Dieu pour les derniers, les petits, les exclus.
  Que l’esprit de communion et d’amitié qui fait partie de votre
  charisme, fasse toujours de vous des instruments de réconciliation et de paix, surtout là où il a des conflits et des divisions. »
  Et nous ? Personnellement et en communauté Chrétienne ?

Le 3 décembre 2022 était organisée à Louvain-la-Neuve une session sur le thème :
« Faire Eglise avec les personnes handicapées »
A cette occasion, une nouvelle fois la pape François invitait les
personnes en situation de handicap à s’engager pour faire EGLISE
et j’ajouterais pour BÂTIR ENSEMBLE une communauté ouverte et accueillante
où chacun à sa place et peut s’engager pour collaborer à son édification.
Quelles sont nos ressources ?

• Dans les relations entre personnes AVEC et SANS HANDICAP
  des questions essentielles surgissent.
  Elles peuvent être teintés de sentiments contradictoires :
  de l’enthousiasme à la maladresse
  de l’intérêt au malaise
  de la banalisation à l’incompréhension du déni à la sacralisation.

Bâtir notre communauté avec les personnes porteuses d’un handicap
c’est avant tout favoriser L’INCLUSION afin de briser L’ISOLEMENT
c’est abattre les murs de nos différences pour mieux apprécier ce que
nous UNIT : notre foi commune et partagée
c’est construire des ponts pour relier notre vivre ensemble,
c’est opter pour une relation transformante
qui nous aide à assumer nos vulnérabilités et nous faire vivre en ressuscité
c’est être appelé à nous décentrer pour vivre pleinement la relation
et apprécier ce qu’elle est vraiment.

En évoquant le regard et le sourire de la Belle Dame, Bernadette confiera :
« Elle me regardait comme une personne parle à une personne; »
Et non pas avec le regard malveillant des gens de Lourdes qui ne voyaient
dans cette adolescente:

• qu’une jeune fille illettrée qui a difficile d’apprendre son catéchisme alors
  qu’elle est animée du désir profond de faire sa première communion.
• que l’aînée de la famille Soubirous dont le père a été retenu en prison
  parce qu’il est accusé de vol alors qu’il produit au moulin une farine de
  qualité et fait preuve d’une grande charité
• que sa famille est contrainte à vivre dans l’unique pièce du cachot alors
  qu’elle est soudée dans un amour sincère et profond
• qu’elle voit la sainte Vierge, ce dont elle se défend en disant la
  « Belle Dame »
  jusqu’au jour de la révélation de son identité :
  « Je suis l’Immaculée Conception ! »

Dans sa première Épître aux Corinthiens, saint Paul écrit :
« Ce qu’il y a de fou dans la monde, voilà ce que Dieu a choisi. »
Bernadette dira : « Si la Sainte Vierge (le Bon Dieu) avait trouvé plus ignorante
que moi, il (elle) l’aurait choisi(e).

A Foi et Lumière, je suis témoin que la personne porteuse d’un handicap mental
est naturelle, sincère, profonde, entière, dotée de talents et d’émotivité,
remplie de joie de vivre, fidèle en amitié et si proche du cœur de Dieu.
« Heureux les coeurs purs, ils verront Dieu ».

Bâtir avec une communauté avec les personne handicapées
c’est d’abord ne pas se détourner
parce qu’on ne sait que dire ou quelle attitude prendre
c’est oser aller vers elles pour les accueillir…
c’est les regarder comme une personne parle à une personne
en posant sur eux un regard de tendresse, le regard du cœur.
c’est ouvrir et tendre la main pour oser le contact physique
c’est prononcer une parole pour entrer en relation et susciter la confiance
c’est proposer un espace où elle est reconnue et appréciée.
c’est éveiller ses talents créatifs et les estimer à leur juste valeur
c’est reconnaître leurs capacités et proposer des responsabilités
c’est leur offrir une place, sans préjugés, parmi nous et avec nous
c’est tout simplement les AIMER !
L’Esprit Saint est à l’œuvre ! Il fera le reste sous le regard d’amour de Marie.
Amen.